14 mai 2020 877 Vue(s)

L.BERGER DANS LE TELEGRAMME DU 12 MAI 2020 :

«  IL FAUT REPENSER L’ORGANISATION DU TRAVAIL « 

 » AUCUNE REMISE EN CAUSE DES 35 HEURES « 

Rejetant toute remise en cause des 35 heures, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, appelle les entreprises à réinventer leur organisation. Il va faire ce mercredi des propositions pour encadrer le télétravail.

Pourquoi avoir jugé « irresponsable » l’action en justice de la CGT contre la réouverture de l’usine Renault de Sandouville ?

Comment jugez-vous les efforts déployés par les entreprises pour protéger la santé des salariés qui reprennent le travail cette semaine ?

C’est très divers. Il y a des entreprises où cela se passe bien, comme Toyota à Valenciennes, où du temps a été consacré pour débattre, redémarrer progressivement la production avec les bonnes protections individuelles, définir une nouvelle organisation du travail. Par contre, là où la reprise du travail s’est faite sans dialogue social comme chez Amazon, les salariés ont le sentiment de ne pas être correctement protégés.

La déclaration sur la reprise du travail cosignée avec le Medef était-elle utile ?

La reprise d’activité doit se faire dans le dialogue avec les salariés et avec pour priorité de bonnes conditions sanitaires. C’était important pour nous d’associer le Medef à ce constat pour engager tous les acteurs des entreprises. La reprise est absolument nécessaire malgré l’épidémie : personne ne peut penser que les entreprises peuvent fonctionner encore longtemps sans production, avec ses salariés payés par l’État.

Malgré un dialogue social au plus près de la réalité, la CGT a attaqué sur une question de procédure. La conséquence, c’est un arrêt de l’usine et 700 intérimaires qui se retrouvent chez eux. Le rôle d’une organisation syndicale est de défendre la santé des travailleurs et aussi le maintien de leur emploi. La reprise à Sandouville a reçu l’accord de trois organisations syndicales sur quatre. Qui a brisé l’unité ? Pas moi.

Vous avez été pris à partie sur les réseaux sociaux par une autre fédération de la CGT. Comptez-vous porter plainte ?

Je ne porterais pas plainte car je n’ai pas de temps à perdre sur ces bêtises indignes. Je ne confonds pas cet acte avec la CGT dans son ensemble et ses militants, que je respecterai toujours. Mais ce qui s’est passé est absolument intolérable, à l’égard de toutes les personnes que cela a pu blesser car cela avait un fort relent homophobe, à l’égard de tous les militants de la CFDT, qui se sentent visés. Et à mon égard, enfin, car j’ai une famille et j’ai le droit au respect de mon image. Cette InfoCom’CGT cherche la provocation et à nuire. J’en ai parlé à Philippe Martinez (le secrétaire général de la CGT, NDLR) qui a obtenu que les messages soient retirés.

Comment analysez-vous le recours massif au télétravail ?

C’est un appel à repenser l’organisation du travail, sûrement pas à tout transformer en télétravail. Nous avons chacun besoin de lien social dans le travail. Le télétravail devra de toute façon être encadré. La CFDT fera des propositions dès cette semaine. Par exemple, pour qu’il puisse être envisagé autrement qu’au seul domicile du télétravailleur, pour que des formations spécifiques au télétravail puissent être créées, y compris pour les managers. L’employeur doit aussi pouvoir fournir les outils informatiques adaptés.

Que répondez-vous au Medef, qui plaide pour une augmentation du temps de travail afin de relancer l’économie ?

On voit bien monter la volonté de remettre en cause la durée légale du travail à 35 heures. Cela va être un combat et la CFDT le mènera. Il peut y avoir, dans les entreprises, des accords pour faire face à la situation. Mais toute mesure globale qui augmenterait la durée du travail serait dangereuse et totalement inappropriée aux enjeux à venir. Le pays est déjà fracturé de multiples tensions et il doit faire face à une crise sans précédent, puisqu’on s’attend à plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires. Faire croire qu’on s’en sortira demain avec de la sueur et des larmes est totalement irresponsable. L’objectif demain est de travailler tous et de travailler mieux. À travers cette crise, les employeurs devront comprendre qu’il faut inventer de nouvelles organisations du travail. Remettre en cause le temps de travail ne correspond pas au « se réinventer » qu’a exprimé Emmanuel Macron. 

Comment jugez-vous le climat social ?

Il y avait déjà beaucoup de défiance avant le confinement. Pour restaurer la confiance, il faut que l’on puisse fixer de nouveau de grands principes communs. Il est essentiel que puisse se tenir la conférence sociale et environnementale que la CFDT a proposée avec les autres acteurs du « Pacte pour le pouvoir de vivre ». Pour réinventer ce qu’on a envie de faire demain, il faut associer chacun, y compris dans les territoires. Il faut sortir des logiques financières pour travailler mieux, vivre mieux et être plus apaisé les uns avec les autres.

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