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LA CINQUIEME BRANCHE DE LA SECURITE SOCIALE

Cinquième branche autonomie : ce que dit – vraiment – le rapport Vachey

Publié le 22 septembre 2020 par Jean-Noël Escudié

Intitulé « La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement », le rapport de Laurent Vachey dresse, en 360 pages, un panorama très complet des enjeux de la future cinquième branche de la sécurité sociale et propose un certain nombre d’orientations. Parmi les enjeux : les actuels écarts territoriaux dans les prestations (APA, PCH…), la complexité des organisations et des parcours. Le rapport propose un élargissement du périmètre actuel des prestations (transfert de l’AEEH, de l’AAH…). La gouvernance locale serait aménagée. Au niveau national, le modèle de la CNSA serait peu ou prou préservé. Sur le financement en revanche, au-delà d’une « palette » de pistes, aucune option n’est privilégiée.

Après une annonce – sous forme de fuite – pour le moins maladroite, puisqu’elle a focalisé le débat sur une litanie d’impôts et prélèvements divers susceptibles de financer le cinquième risque (voir notre article du 16 septembre 2020), le rapport de Laurent Vachey, inspecteur général des finances et ancien directeur de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), sur la création de la cinquième branche, ou branche autonomie, n’est toujours pas diffusé officiellement. Il a pourtant bien été transmis au Parlement, conformément à l’article 5 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie (voir notre article du 26 août 2020 et nos autres articles ci-dessous). Malgré cela, le rapport Vachey commence à circuler autrement que sous forme de courtes phrases privées de leur contexte. Et il apparaît que le document vaut nettement mieux que l’accueil qui lui a été réservé.

Les écarts territoriaux, premier défi de la cinquième branche

Intitulé « La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement », ce document de 360 pages (dont 280 pages d’annexes) dresse un panorama très complet des enjeux de la cinquième branche et propose un certain nombre d’orientations, même si certains points restent encore en suspens. Le rapport commence ainsi par s’interroger sur le sens que doit prendre aujourd’hui la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, écartée lors de la mise sur pied de la CNSA en 2005. Il ne peut clairement pas s’agir d’une simple transformation juridique. Le rapport met en effet en avant plusieurs enjeux qui devront être pris en compte par cette cinquième branche. Le premier d’entre eux concerne les écarts territoriaux importants sur l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), la PCH (prestation de compensation du handicap) et l’AAH (allocation aux adultes handicapés).

Par exemple, le taux de bénéficiaires de l’APA à domicile en 2014 – des chiffres plus récents auraient été les bienvenus – parmi les plus de 60 ans varie selon les départements de 2,6% à 9,4%, le montant moyen de la PCH va de 502 à 884 euros (par déciles de départements pour lisser les cas extrêmes), tandis que le taux d’adultes de 20 à 59 ans vivant à domicile et bénéficiant de l’AAH varie de 12,7 à 39,45 pour 1.000 habitants. Même si les différences sociodémographiques entre départements – et le fait qu’il s’agit de prestations « sur mesure » – peuvent expliquer une partie des écarts, elles ne suffisent pas à en justifier l’ampleur. Par ailleurs, il faut rappeler que, dans les quatre autres branches de la sécurité sociale, les prestations légales sont strictement identiques sur l’ensemble du territoire.

Complexité des prestations et recherche d’efficience

Autre enjeu : la complexité des prestations et des organisations est un frein à une optimisation des parcours des personnes âgées ou handicapées. Il sera donc nécessaire de « proposer une mise en cohérence des prestations, ce qui nécessite une capacité technique de réingénierie et de simulation des effets sur les bénéficiaires actuels et futurs ». Autrement dit d’identifier les éventuels gagnants et perdants.

De même, « comme pour toutes les dépenses publiques, la recherche d’une meilleure efficience est indispensable », mais il ne peut s’agir d’une simple économie de moyens. Il faut au contraire « rechercher en même temps une amélioration de la qualité des accompagnements et des parcours » : développement de la prévention, cohérence entre parcours sanitaire et parcours médicosocial, systèmes d’information, diversification des réponses et décloisonnement de l’offre, mais aussi « meilleure maîtrise des conditions et des processus d’attribution des prestations », ce qui concerne très directement les départements.

Un périmètre très élargi pour la cinquième branche

Le rapport s’interroge ensuite sur le périmètre de la future cinquième branche. Avec une réponse claire, découlant directement de ce qui précède : ce ne peut pas être le périmètre actuel de la CNSA. Le rapport propose donc d’y transférer des prestations d’autres branches de la sécurité sociale : allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), composante « aide humaine » de l’invalidité et allocation supplémentaire d’invalidité, unités de soins de longue durée (USLD) et part de l’action sociale de la Cnav affectée à l’adaptation du logement au vieillissement.

Depuis le budget de l’État, seraient transférés l’AAH (le gros morceau, avec 10,6 milliards d’euros), l’aide au poste des travailleurs en Esat, ainsi que quelques « financements mineurs » et le programme « Habiter facile » de l’Anah, cette dernière continuant toutefois de le gérer. Le périmètre de la branche passerait ainsi de 27 milliards (l’actuelle CNSA) à 42 milliards d’euros (+55%), mais sans coûts budgétaires significatifs, puisqu’il s’agit de transferts.

Gouvernance locale : peu d’avancées pour les départements

La gouvernance de cette nouvelle branche est un autre enjeu majeur. Sur ce point, le rapport commence par évoquer la « gouvernance locale ». En premier lieu, pour évacuer l’idée, un temps évoquée, de caisses locales de l’autonomie, qui auraient repris les compétences des départements en matière médicosociale. Un tel « bouleversement » serait en effet « peu réaliste politiquement et nécessiterait des redéploiements de moyens complexes, sans gain certain d’efficience ou d’une meilleure égalité ». Le rapport écarte aussi les solutions « tout à l’ARS » ou « tout au département », comme l’envisageait la toute récente mission sénatoriale sur le rôle et les compétences des départements (voir notre article du 16 septembre 2020).

Il prône donc, comme le rapport Libault, le maintien d’une dichotomie, mais avec plusieurs aménagements importants : la suppression des doubles tarifications État/départements (ce qui supposerait notamment de regrouper les sections dépendance et hébergement des Ehpad, qui seraient alors financées intégralement via les ARS), la possibilité de déléguer des compétences en matière d’autorisation et de tarification des ARS vers les départements volontaires, la création d’un « contrat départemental pour l’autonomie » entre les ARS et les départements définissant en commun les grandes lignes de l’offre, la généralisation des maisons départementales de l’autonomie fusionnant handicap et âge (toujours sous la présidence du département) et, enfin une coordination renforcée pour améliorer l’amélioration de parcours entre sanitaire, médicosocial et social.

Au final, il est difficile de dire que les départements sortent renforcés de cet exercice de prospective sur la cinquième branche. L’Assemblée des départements de France (ADF) n’a toutefois pas encore réagi officiellement à un rapport qui, il est vrai, n’existe pas encore officiellement.

Gouvernance nationale : la cinquième branche de sécurité sociale, vraiment ?

Sur la gouvernance nationale, le rapport semble un peu faire comme si de rien n’était. Certes, il relève que « la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a confié à la CNSA la gestion de la nouvelle cinquième branche autonomie, mais n’a rien modifié de son organisation actuelle ». Il propose donc quelques mesures comme une refonte en profondeur du budget de la CNSA, l’intégration de son budget directement dans le PLFSS (et non plus via une subvention de l’assurance maladie), un recours accru à la CSG (comme cela est déjà engagé avec l’affectation anticipée de 0,15 point de CSG), une révision de la liste des 17 missions actuelles de la CNSA…

Le plus surprenant est que le rapport ne tire aucune conclusion, en termes de gouvernance, du fait que l’autonomie deviendrait un régime de sécurité sociale au côté des quatre régimes actuels. Il reconnaît toutefois que « le modèle du conseil de la CNSA, qui a été voulu comme un ‘parlement de l’autonomie’ […] est très différent du modèle paritaire des autres branches. […]. Il n’existe pas de consensus pour faire évoluer dans un sens ou dans l’autre cette composition, et elle n’a jamais été depuis 15 ans un obstacle à la gouvernance. Il ne paraît donc pas utile, à quelques ajustements près, de la remettre en cause ».

On aurait donc quatre régimes de sécurité sociale paritaires salariés/employeurs – la règle pour la sécurité sociale depuis 1967 – et un régime où les représentants des salariés et des employeurs disposent de 8 sièges sur 52, soit 15% du total… C’est un peu comme si, au conseil d’administration de la Cnam, les représentants des salariés et des employeurs étaient soudainement réduits à une portion plus que congrue et que l’on faisait rentrer les représentants des organismes financés : FHF, FHP, Fehap, associations de patients… Or le problème est que ce sont les cotisations des salariés et des employeurs qui financeront désormais directement la branche autonomie. Ce qui pouvait passer quand l’essentiel des ressources de la CNSA provenait de l’assurance maladie (à gestion paritaire) via l’Ondam médicosocial risque d’être beaucoup plus difficile à admettre pour la cinquième branche.

In cauda venenum

Enfin, la dernière partie, consacrée au financement de la cinquième branche, laisse une impression d’inachevé, comme le soulignait déjà Localtis (voir notre article du 16 septembre 2020). Le rapport propose en effet un catalogue à la Prévert, avec pas moins – sauf erreur – de 19 sources de financement possibles : transferts (fraction de la CSG, fonds de réserve des retraites, branche famille, Action Logement, ce qu’Emmanuelle Wargon, la ministre du Logement, a déjà fermement écarté), mesures d’économie (sur l’AAH ou l’APA), réduction de certaines niches sociales ou fiscales (emploi de services à domicile, réductions d’impôt…), financements privés (assurance complémentaire obligatoire, mobilisation du patrimoine immobilier privé) et « éventuels prélèvements obligatoires » (deuxième journée de solidarité, hausse de cotisations, suppression de l’abattement au titre des frais professionnels sur la CSG-CRDS, hausse du taux de CSG, remise en cause de l’abattement de 10% sur les revenus des pensions et retraites, extension de l’assiette de la contribution de solidarité pour l’autonomie…).

S’il est courant que les rapports de ce type balaient plusieurs hypothèses en matière de financement, il est tout aussi courant que les auteurs préconisent une solution ou laissent au moins transparaître une inclination. Rien de tel ici, où le rapport évacue la question d’un très tautologique « les choix à l’intérieur de cette palette sont évidemment de nature politique »… Cet exercice n’est bien sûr pas étranger à la focalisation des médias sur la seule question du financement, tandis que les Français risquent de retenir, pour leur part, que la future branche autonomie est synonyme, avant même d’exister, d’une avalanche de taxes et d’impôts.

Au final, le rapport Vachey reste néanmoins un exercice intéressant, surtout au regard du délai de réalisation laissé à ses auteurs pour tenir la date du 15 septembre fixée dans la loi pour la remise du rapport au Parlement. Certes, il est loin d’épuiser la question. Rien n’est dit, par exemple, sur une éventuelle et nécessaire évolution des prestations intégrées à la future cinquième branche. Mais cela n’entrait pas dans le cadre de la mission, centrée sur le périmètre, la gouvernance et le financement de la branche. Le rapport y sera parvenu sur le périmètre, en partie sur la gouvernance  et beaucoup moins sur le financement.

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