Temps de lecture : 8 minutes

Jeudi 4 juin, le Président de la République a réuni les organisations syndicales et patronales à l’Elysée pour lancer une mobilisation pour l’emploi.


Le Président a ouvert la réunion en faisant état d’un choc économique et social sans précédent. Il a insisté sur la nécessité de préserver l’emploi et le tissu productif en faisant le choix de l’engagement collectif par le dialogue social dans les entreprises et les branches.


Le Président de la République a ensuite développé 3 sujets :

SUJET 1

L’activité partielle : il a annoncé la création d’un dispositif d’activité partielle longue durée soumis à accords de branches et d’entreprises. D’ici mi-juin les partenaires sociaux sont invités à en définir les paramètres. A défaut d’accord, l’Etat les définira. Il a insisté sur trois sujets complémentaires à travailler : rééquilibrer le rapport donneur d’ordre/sous-traitant par des accords de branche, réguler le travail détaché, prévoir des mesures spécifiques pour les indépendants.

SUJET 2

L’apprentissage : il sera mis en place une aide unique à l’embauche pour maintenir le nombre d’apprentis. D’ici mi-juin, le Gouvernement fera des propositions aux partenaires sociaux, qui sont invités à formuler des propositions pour soutenir l’emploi des jeunes.

SUJET 3

L’assurance chômage : au vu du contexte, le gouvernement veut revoir les règles régissant l’assurance chômage et notamment les règles d’affiliation. D’ici fin juin, les dispositions de la réforme en cours feront l’objet de discussions.
Le Président a terminé son introduction en appelant à la responsabilité partagée de tous les acteurs. Il a appelé les organisations syndicales et patronales à assumer la leur en s’engageant dans ce pacte de confiance.
La CFDT, par la voix de Laurent Berger, est revenue sur la période passée en actant positivement l’activation des mécanismes d’activité partielle et de soutien social. La CFDT a également demandé :
• La fin des mesures spéciales prises dans les ordonnances dès la fin de l’état d’urgence sanitaire pour revenir aux règles antérieures et à de la concertation sociale normale ;
• La nécessité de ne pas oublier les travailleurs en 1ère et 2ème ligne en termes de reconnaissance salariale et professionnelle ;
• La publication urgente du décret permettant la reconnaissance du covid-19 en maladie professionnelle pour les salariés touchés.
La CFDT a ensuite fait part de ses 12 propositions pour « travailler tous, travailler mieux » (en annexe à cette info rapide) et a ajouté les points suivants :
• Les aides à l’apprentissage doivent être des aides à l’alternance et couvrir donc également les contrats de professionnalisation.
• Il faut des mesures spécifiques pour les travailleurs saisonniers.
• Il ne faut pas oublier les travailleurs en insertion en faisant vivre le pacte insertion.
• Il faut aller plus loin au niveau européen sur le travail détaché, notamment dans le secteur des transports.
• Il faut aller plus loin sur la responsabilité des entreprises.
Après la présentation de nos propositions, la CFDT a affirmé sa volonté de s’engager dans une mobilisation sur l’emploi, à condition que cela se fasse dans la transparence, la loyauté et la confiance.


Positionnement des autres organisations syndicales
La CGT s’est montrée peu encline à s’engager. Elle demande un changement de modèle sans en définir les contours.
FO a demandé l’ouverture d’une négociation sur l’assurance chômage entre partenaires sociaux, sans intervention de l’Etat. Elle est favorable aux mesures proposées sur l’activité partielle à condition que les salaires soient augmentés.
La CGC a salué les mesures de chômage partiel prises durant le confinement et s’est engagée à participer aux concertations. Elle a demandé à ce que des contreparties soient imposées aux entreprises qui perçoivent des aides publiques. Elle a demandé l’annulation de la réforme de l’assurance chômage et s’est opposée à des négociations tripartites.
La CFTC appelle à de nouvelles mesures de confiance sur l’emploi et a plaidé pour une montée en gamme, plutôt que la poursuite d’une « stratégie de low cost ». Elle est prête à s’engager dans cette mobilisation collective.
L’UNSA est partante pour un pacte de protection de l’emploi mais a exprimé une vigilance : ne pas revenir au contrat première embauche. Elle est d’accord pour prendre part à des négociations tripartites.
Le MEDEF a salué les mesures de soutien aux entreprises. L’activité reprend mais reste très en deçà de l’année précédente (-20 %). Il demande à ce que le chômage partiel perdure au moins jusqu’à la rentrée. Il est d’accord pour discuter de l’activité partielle de longue durée avec les organisations syndicales et s’est dit prêt à s’engager dans des accords d’entreprise. Il ne plaide pas pour des baisses de salaires. Le Medef a proposé la mise en place d’une aide à l’embauche de jeunes sans impact sur leur salaire. Il a annoncé vouloir jouer le jeu de l’intérêt général en sortant de nos modèles historiques.
L’U2P a rappelé le risque particulier que courent les petites entreprises dans cette crise et a demandé un plan sectoriel pour les indépendants.
La FNSEA a demandé à ce que la loi agriculture et alimentation s’applique.

Réponse du Gouvernement
La ministre du Travail a proposé 4 mesures pour répondre à la forte demande des jeunes en matière d’apprentissage : une prime exceptionnelle à l’embauche des jeunes en CAP jusqu’à bac + 3 (3 500 euros pour les moins de 18 ans et 8000 euros pour les autres) ; l’engagement des entreprises de plus de 250 salariés à atteindre 5% d’apprentis ; la possibilité pour les jeunes qui n’auraient pas trouvé d’entreprises de rester 6 mois de plus en CFA ; une mobilisation dans les territoires pour aider les jeunes à trouver un emploi par la création d’une plateforme des demandes et un soutien numérique pour les jeunes apprentis.
La ministre a rappelé le besoin de mettre en place un mécanisme d’activité partielle de longue durée après accord des partenaires sociaux. Pour en définir les curseurs, la concertation avec les partenaires sociaux devra aboutir dans les 8 jours. Il faudra aussi définir les conditions de la pérennité de l’activité partielle (niveau, date …).
Concernant l’emploi des jeunes, une concertation devra permettre d’aborder les nombreux sujets : stages, primo demandeurs, saisonniers ….
La ministre du Travail a rappelé que le temps de chômage partiel doit être utilisé pour former les travailleurs. La formation doit être orientée vers les secteurs où il y a des besoins comme les services à la personne. Elle a aussi dit avoir une vigilance particulière à poursuivre les actions sur l’insertion.
Le débat sur les travailleurs détachés doit être mené au niveau européen pour que le coût soit le même en intégrant non seulement le salaire mais aussi la protection sociale.
Le Covid-19 sera reconnu comme une maladie professionnelle pour le personnel soignant et des EHPAD. Pour les autres travailleurs, il sera mis en place un système de reconnaissance individuel par les comités régionaux des maladies professionnelles qui entraînera une prise en charge pour le salarié qui aurait subi une perte de revenu ou aurait des séquelles, ou pour ses ayants droits en cas de décès.
Une nouvelle réunion est fixée lundi pour aborder les sujets emploi.
Le ministre de l’économie et des finances a dit qu’il resterait vigilant quant à la situation des entreprises. L’activité du site Maubeuge de Renault sera maintenue. Pour soutenir l’activité, différents plans de filières seront déployés (tourisme, automobile, aéronautique …) et des mesures spécifiques pour les indépendants seront prises. Cet investissement s’élèvera à 40 milliards d’euros.
Le financement européen pour la France sera présenté mercredi. A la rentrée, le gouvernement présentera un plan de relance et les partenaires sociaux seront associés aux choix qu’il faudra faire pour soutenir l’économie française.
Le ministre de l’économie et des finances a souligné quelques objectifs : décarbonisation de l’économie pour une relance verte, meilleure coopération entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, relocalisations tout en restant compétitifs.
Le Premier ministre, a salué le travail des agents qui a permis à l’Etat de s’adapter. Il a rappelé la gravité de la situation : même si le redémarrage était rapide il y aura des dégâts. Il faut réagir vite. Le Premier ministre a dit que les solutions de cette crise n’étaient pas purement françaises. Nous devons prendre en compte des contraintes qui vont continuer à s’exercer : la compétitivité, le financement dans la durée, les relations commerciales. Il a terminé en disant que tous doivent être dépositaires de l’intérêt général.
Le Président de la République a conclu cet échange en précisant que nous sortons de la phase de résistance au choc pour entrer dans une phase de résilience et de reprise perturbée par de nouvelle règles et de nouveaux comportements. Sans savoir combien de temps durera cette phase, il faudra limiter les faillites et maintenir l’emploi et les compétences. Il faut, dans les 15 jours, équilibrer l’activité partielle de longue durée et maintenir l’activité partielle classique dans certains secteurs. Il faut trouver les bons outils pour les branches et les entreprises, favoriser le dialogue et construire la confiance. Il faut bâtir des solutions pour les jeunes. Un nouveau rendez-vous doit être fixé dans 15 jours pour mettre en oeuvre ces dispositifs.
Sur le plan de relance, le Président de la République a exprimé sa volonté d’avancer vers plus de souveraineté économique (industrielle, alimentaire …). Il a exprimé une ambition écologique qui questionne notre modèle de production.
Au vu des changements profonds à venir, le Président a dit la nécessité de dialogue permanent.

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

SYNDICALISME N° 3731 DU MOIS DE MAI 2020

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

TEMPS DE LECTURE : 8 minutes

Confédération, fédérations et URI, Ferpa. Le Conseil national confédéral s’est déroulé en visioconférence le 14 mai.

Y participaient : Nicole Chauveau, Dominique Fabre (membre du BN), Marie-Solange Petit, Benoit Prince, Yves Vérollet.

Vous lirez ci-après l’intervention de l’UCR

Intervention de l’UCR CFDT au conseil national confédéral le 14 mai 2020 par Dominique Fabre, secrétaire générale

C’est notre premier CNC confiné. Cette situation est révélatrice, si besoin était, des fractures multiples qui existent au sein de notre société.

Les personnes très âgées à domicile ou en Ehpad ont été cruellement touchées. Le virus a touché tout le monde mais en proportion, il a été fatal avant tout aux plus âgés. 92% des décès ont concerné des personnes de 65 ans et plus ; 75% des décès ont touché des personnes de plus de 75 ans. Et ce, en raison d’un taux de létalité bien plus élevé chez les 80 ans et plus (entre 8% et 13% selon les études) alors qu’il est de moins de 1% chez les personnes âgées de moins de 60 ans.

Ce virus a également mis en exergue de nombreuses inégalités sociales

En effet, si certains ont pu rejoindre leurs résidences secondaires ou en profiter pour se retrouver en famille, d’autres sont restés confinés dans les logements exigus : selon une étude de 2016, plus de 5 millions de personnes vivent dans un logement sur-occupé, c’est-à-dire qu’elles résident à deux ou plus dans un logement où le nombre de pièces est insuffisant au regard de la taille du foyer.

Alors que certains souffrent d’une grande promiscuité au sein de leur logement, d’autres Français sont touchés par l’isolement. C’est le cas de 10,5 millions de personnes dont près d’un quart est âgé de 75 ans et plus. Cette situation n’est pas sans conséquence sur le moral mais aussi sur la santé. Les personnes âgées vivant seules représentent une part importante de la population dans les territoires ruraux. Par ailleurs, 13,3 % des personnes de 75 ans ou plus et vivant seules, résident dans une commune dépourvue de tout commerce alimentaire généraliste.

Cette période de confinement que nous avons vécue montre que les outils numériques peuvent permettre de conserver un lien social, on l’a vu notamment dans des Ehpad pour maintenir les liens familiaux. Mais il ne faut pas oublier les 12 % des Français qui n’ont pas accès à Internet à leur domicile. Cette fracture numérique est plus marquée pour les personnes plus âgées : 53 % des 75 ans ou plus n’ont pas Internet.

Cette fracture numérique a été vite perçue par certaines de nos UTR qui nous ont alertés. Par exemple, le formulaire papier de déclaration des revenus 2019 envoyé aux retraités n’ayant pas accès internet ne permet pas de bénéficier du crédit d’impôt lié à la cotisation syndicale. Il faut imprimer un autre formulaire… C’est ubuesque.

Maintenant l’heure est au déconfinement

Cette préparation ne doit en aucun cas être escamotée. Il faut lui donner le temps nécessaire.

Nous ne devons pas subir mais reprendre collectivement le contrôle de la situation, la maîtrise de notre vie sociale et citoyenne.

Il faut contrebalancer la méfiance de la population envers les discours politiques et administratifs, en tenant un discours clair, sans dissimuler les réalités de la situation, sans masquer ni les manques, ni les pénuries, ni les incertitudes pour mobiliser de façon éclairée les différents acteurs et la population.

Il faut notamment préparer à l’incertitude, à l’anticipation d’une possible deuxième vague et donner les moyens pour cela. Les difficultés de mise en œuvre du déconfinement s’avèrent en effet exceptionnelles. Elles soulèvent des questions qui intègrent la dimension scientifique mais la débordent largement. Sortir du confinement exige de trouver des équilibres entre de multiples contraintes et de multiples exigences, par exemple entre liberté individuelle et protection collective, entre impératif de santé et nécessité économique. Pour être acceptables et acceptés par la population, ces équilibres doivent se construire nationalement, mais aussi régionalement et au plus près de territoires, dans le cadre de débats démocratiques.

Les personnels du maintien à domicile et du médico-social ont été oubliés dans les premières semaines de l’arrivée de cette épidémie. Les critiques ont fusé en direction des Ehpad, c’est faire peu de cas de l’engagement des personnels. Un bilan devra être fait et les leçons devront en être tirées au moment opportun. Il a fallu cette pandémie pour reconnaitre le rôle des personnels en Ehpad et leur accorder de la considération. Leur octroyer une prime c’est bien, valoriser leurs métiers c’est mieux. Espérons au demeurant que pour les aides à domicile, Etat et département s’entendent pour qu’elle leur soit versée.

L’après Covid-19

Aujourd’hui, le discours ambiant porte sur les conséquences économiques de cette crise sanitaire et sociale.

Le Gouvernement parle de relance économique mais très peu des inégalités territoriales ou de revenus. Notre valeur de solidarité est plus que jamais pertinente et toutes les couches sociales devront y participer.

Beaucoup voient déjà le monde d’après comme celui d’avant, c’est plus facile ! L’Europe a un grand rôle à jouer. Elle a commencé à le jouer via l’action de la BCE qui va éviter l’effondrement inévitable d’une bonne partie des pays de l’UE. Le Green Deal européen et le rôle de la CES demeurent un espoir pour beaucoup.

Une autre réflexion doit être menée : celle de l’éthique au sens plein du terme.

L’éthique, ce n’est pas la morale. C’est réfléchir sur les comportements à adopter pour rendre le monde humainement habitable.

L’éthique, c’est comment adapter notre économie face au risque climatique.

L’éthique, c’est comment adapter l’organisation du travail pour que tous les travailleurs aient un emploi.

L’éthique, c’est adapter le partage des richesses pour lutter contre la pauvreté et le mal logement. L’éthique, c’est adapter nos modes de production industrielle ou alimentaire au besoin de tous en respectant notre environnement.

L’éthique, c’est aussi réfléchir à rendre le monde plus habitable pour les vieux et à un meilleur accompagnement de la fin de vie.

Cette proposition de l’UCR pour une réflexion éthique en faveur des questions liées au Grand âge a été plébiscitée par plus de 98 % des votants lors de la consultation publique organisée par le Collectif « des États Généraux de la Séniorisation ».

Dans la période, les personnes âgées ont payé et paient encore un très lourd tribut face au Covid-19. Dans le même temps, des dirigeants politiques de tous bords se positionnent clairement sur le « dossier » du grand âge. Construire un rapport de force, un lobbying au bon sens du terme, est donc nécessaire pour que les avancées amorcées avec la loi d’adaptation de la société au vieillissement puissent se poursuivre par un nouveau texte. C’est la raison pour laquelle l’UCR a rejoint le collectif « Etats généraux de la séniorisation » lancé par Serge Guérin.

C’est une opportunité car la situation économique à venir ne favorisera pas l’émergence de nombreuses réformes. Cependant, dans ce contexte, s’il en est une qui pourrait voir le jour, c’est la loi Grand âge.

Pour l’UCR, notre revendication phare persiste, et elle a pris toute son ampleur au cœur de cette pandémie : Avoir enfin une vraie loi pour l’accompagnement du Grand âge. Une autre revendication s’impose : avoir un interlocuteur politique concrétisé au minimum par un secrétariat d’Etat dédié aux retraités et personnes âgées.

Nous en avons assez de voir tous ces lieux, ces réunions, ces colloques où on parle des personnes âgées mais où aucune personne âgée, aucune association de personnes âgées ou aucun représentant de syndicat de retraités ne sont présents. On parle des vieux comme une entité. Il y a autant de différence chez les personnes âgées que dans le reste de la société. Cette non-représentation est infantilisante. Elle est vécue comme une forme de discrimination pour de nombreuses personnes âgées.

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

ANNULATION DU SEJOUR A OBERNAI


VVF Villages nous informe qu’en raison de la pandémie, le séjour prévu à Obernai en Alsace du 20 au 27 juin 2020 est annulé.

Le bureau de l’Association a pris acte de cette décision. Chaque participant sera averti individuellement.

Bien entendu, la réunion de préparation à ce séjour, prévue le mardi 26 mai prochain est annulée.

Le bureau regrette cette décision indépendante de sa volonté et souhaite que l’année 2021 permette l’organisation d’un nouveau voyage.

Jean-Paul BOURDET

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

ISABELLE MERCIER, SECRETAIRE GENERALE DE L’UD CFDT 44

https://www.dailymotion.com/video/k1sWSQ1jpuZac9w23EP
En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

L.BERGER DANS LE TELEGRAMME DU 12 MAI 2020 :

«  IL FAUT REPENSER L’ORGANISATION DU TRAVAIL « 

 » AUCUNE REMISE EN CAUSE DES 35 HEURES « 

Rejetant toute remise en cause des 35 heures, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, appelle les entreprises à réinventer leur organisation. Il va faire ce mercredi des propositions pour encadrer le télétravail.

Pourquoi avoir jugé « irresponsable » l’action en justice de la CGT contre la réouverture de l’usine Renault de Sandouville ?

Comment jugez-vous les efforts déployés par les entreprises pour protéger la santé des salariés qui reprennent le travail cette semaine ?

C’est très divers. Il y a des entreprises où cela se passe bien, comme Toyota à Valenciennes, où du temps a été consacré pour débattre, redémarrer progressivement la production avec les bonnes protections individuelles, définir une nouvelle organisation du travail. Par contre, là où la reprise du travail s’est faite sans dialogue social comme chez Amazon, les salariés ont le sentiment de ne pas être correctement protégés.

La déclaration sur la reprise du travail cosignée avec le Medef était-elle utile ?

La reprise d’activité doit se faire dans le dialogue avec les salariés et avec pour priorité de bonnes conditions sanitaires. C’était important pour nous d’associer le Medef à ce constat pour engager tous les acteurs des entreprises. La reprise est absolument nécessaire malgré l’épidémie : personne ne peut penser que les entreprises peuvent fonctionner encore longtemps sans production, avec ses salariés payés par l’État.

Malgré un dialogue social au plus près de la réalité, la CGT a attaqué sur une question de procédure. La conséquence, c’est un arrêt de l’usine et 700 intérimaires qui se retrouvent chez eux. Le rôle d’une organisation syndicale est de défendre la santé des travailleurs et aussi le maintien de leur emploi. La reprise à Sandouville a reçu l’accord de trois organisations syndicales sur quatre. Qui a brisé l’unité ? Pas moi.

Vous avez été pris à partie sur les réseaux sociaux par une autre fédération de la CGT. Comptez-vous porter plainte ?

Je ne porterais pas plainte car je n’ai pas de temps à perdre sur ces bêtises indignes. Je ne confonds pas cet acte avec la CGT dans son ensemble et ses militants, que je respecterai toujours. Mais ce qui s’est passé est absolument intolérable, à l’égard de toutes les personnes que cela a pu blesser car cela avait un fort relent homophobe, à l’égard de tous les militants de la CFDT, qui se sentent visés. Et à mon égard, enfin, car j’ai une famille et j’ai le droit au respect de mon image. Cette InfoCom’CGT cherche la provocation et à nuire. J’en ai parlé à Philippe Martinez (le secrétaire général de la CGT, NDLR) qui a obtenu que les messages soient retirés.

Comment analysez-vous le recours massif au télétravail ?

C’est un appel à repenser l’organisation du travail, sûrement pas à tout transformer en télétravail. Nous avons chacun besoin de lien social dans le travail. Le télétravail devra de toute façon être encadré. La CFDT fera des propositions dès cette semaine. Par exemple, pour qu’il puisse être envisagé autrement qu’au seul domicile du télétravailleur, pour que des formations spécifiques au télétravail puissent être créées, y compris pour les managers. L’employeur doit aussi pouvoir fournir les outils informatiques adaptés.

Que répondez-vous au Medef, qui plaide pour une augmentation du temps de travail afin de relancer l’économie ?

On voit bien monter la volonté de remettre en cause la durée légale du travail à 35 heures. Cela va être un combat et la CFDT le mènera. Il peut y avoir, dans les entreprises, des accords pour faire face à la situation. Mais toute mesure globale qui augmenterait la durée du travail serait dangereuse et totalement inappropriée aux enjeux à venir. Le pays est déjà fracturé de multiples tensions et il doit faire face à une crise sans précédent, puisqu’on s’attend à plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires. Faire croire qu’on s’en sortira demain avec de la sueur et des larmes est totalement irresponsable. L’objectif demain est de travailler tous et de travailler mieux. À travers cette crise, les employeurs devront comprendre qu’il faut inventer de nouvelles organisations du travail. Remettre en cause le temps de travail ne correspond pas au « se réinventer » qu’a exprimé Emmanuel Macron. 

Comment jugez-vous le climat social ?

Il y avait déjà beaucoup de défiance avant le confinement. Pour restaurer la confiance, il faut que l’on puisse fixer de nouveau de grands principes communs. Il est essentiel que puisse se tenir la conférence sociale et environnementale que la CFDT a proposée avec les autres acteurs du « Pacte pour le pouvoir de vivre ». Pour réinventer ce qu’on a envie de faire demain, il faut associer chacun, y compris dans les territoires. Il faut sortir des logiques financières pour travailler mieux, vivre mieux et être plus apaisé les uns avec les autres.

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

CLIQUER CI-DESSOUS POUR LIRE OU TELECHARGER

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

EDITION NUMERIQUE. CLIQUER CI-DESSOUS POUR LA LIRE

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

Laurent Berger : « Il faut des états généraux du pouvoir de vivre »

Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, plaide pour un nouveau modèle social et économique construit sur la base d’une vaste concertation. Il demande la tenue d’états généraux du pouvoir de vivre. Pour lui, il faut également un protocole de reprise d’activité clair pour permettre ce déconfinement prévu à partir du 11 mai. Il répond aux questions d’Oriane Mancini.

Par Oriane Mancini 15mn

Point presse d’Édouard Philippe :

Moi je n’aime pas polémiquer. Il faut que l’on soit tous très humbles. Je ne critiquerai pas un Premier ministre qui vient expliquer aux Français où on en est. Bien sûr, il y a encore des questions sans réponse mais je ne veux pas porter de jugement de valeur sur ce point presse. Il y a encore beaucoup d’incertitudes comme sur l’école ou le matériel médical mais qui sont liées à cette situation compliquée.
Moi je préfère ça, que l’on nous dise que l’on ne sait pas tout plutôt que nous faire croire des choses qui se révéleraient fausses. »

Les visites dans les EHPAD :

C’est une bonne chose sur le plan humain. Tous ces aînés qui sont partis sans avoir pu voir ceux qu’ils aiment, c’est une épreuve terrible.
Par contre, ces visites doivent se faire en toute sécurité pour les agents.
Dans les EHPAD, la situation est difficile depuis longtemps et nous avons fait de nombreux rassemblements devant le ministère du Travail pour expliquer l’absence de moyens et de considération.
Demain, cette visite des familles doit se faire dans des conditions optimales pour les personnels et pour nos anciens. »

Le retour à l’école :

Là encore, cela doit se passer dans des conditions de sécurité et de santé. Il faut que ce soit fait en concertation avec les agents territoriaux, avec les enseignants, avec l’ensemble des personnels qui interviennent dans les écoles.
Moi je ne suis pas qualifié pour savoir si c’est le bon moment ou pas. Ce qu’il y a de sûr c’est que cela crée beaucoup d’incertitudes chez les parents. On se rend bien compte que les enseignants sont indispensables pour transmettre des connaissances et créer du lien social mais encore une fois, il faut des conditions optimales.
Évidemment c’est important aussi pour reprendre une activité économique que les enfants reprennent le chemin de l’école mais on a bien vu que cela se fera de manière très progressive.
Sécurisons école par école, établissement par établissement mais pas avec des injonctions venant d’en haut.
Cette crise illustre toutes les inégalités que connaît notre société et en particulier celles liées à l’accès à l’apprentissage. Bien sûr, ce retour à l’école est indispensable mais cela ne se fera pas sans des conditions de sécurité pour les personnels et enfants et en dialoguant. »

Le droit de retrait :

À chaque fois qu’il y aura un doute, il ne faut pas rouvrir. Si cela se fait de façon verticale sans dialogue social dans les administrations comme dans le privé, alors l’exercice du droit de retrait existe.
Il faut être intelligent avant et faire en sorte que par des accords, par des règles claires et des moyens de protection, les conditions de reprise soient bonnes.
Si ce n’est pas le 11 mai ce sera plus tard et il faut regarder établissement par établissement, entreprise par entreprise. »

La géolocalisation :

À titre personnel, je suis très réservé. Notre pays doit faire vivre sa devise. La question de l’égalité comme de la fraternité est très posée aujourd’hui. Sur les libertés, il faut faire attention de ne pas aller sur des voies qui seraient renoncer à des formes de liberté.
Si ce traçage devait se faire, il faudrait que ce le soit avec un opérateur qui soit totalement sous maîtrise publique, avec un effacement des données personnelles rapide et avec un contrôle démocratique.
J’espère que l’on pourra y échapper. » 

Le déconfinement :

Nous avons des discussions avec la ministre du Travail et de l’Économie.

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation d’attente et de craintes de la part des citoyens et des travailleurs.

Aucun plan de déconfinement ou de reprise d’activité ne peut se faire sans que l’on puisse confronter nos points de vue.

J’espère que l’on va pouvoir dire nos visions, nos revendications et nos propositions pour faire face à ce déconfinement dans les jours à venir. »

Un protocole de reprise :

« Sur la reprise du travail dans les administrations comme dans le privé, on souhaite qu’il y ait des négociations de protocole de reprise d’activité.
Il faut s’interroger sur la façon dont on peut reprendre en termes de protection individuelle et collective, en termes d’organisation du travail. Il faut rassurer et faire en sorte que les conditions de santé soient optimales.
La question de la poursuite des mesures de soutien aux entreprises et salariés se pose également. Il faut continuer à avoir un haut niveau de prise en charge de l’activité partielle et de soutien à l’économie avec des mesures très concrètes.
Pour nous, les organisations syndicales et patronales doivent d’abord arriver à se mettre d’accord sur une sorte de check List des questions à se poser dans chaque lieu de travail.
Ensuite, chacune des branches devra faire ce travail et aussi que ce protocole soit discuté dans chaque entreprise.
Si on ne fait pas ça, ça ne marchera pas.
Prenons ce temps pour discuter et négocier les conditions de reprise. Si ça se fait dans le dialogue, il y a un accord qui peut s’opérer. Si ça se fait de façon unilatérale, on aura des craintes, des résistances et je crois beaucoup de conflits. »

Les conditions de reprise :

La question des moyens de protection est centrale. On ne peut pas faire l’impasse sur cette question.
Nos représentants font un travail énorme depuis plusieurs semaines. On a ouvert une boîte aux questions qui a plus d’1 million de vues. On a ouvert une boîte mail pour que les salariés puissent poser leurs questions et l’on y répond un par un.
On va continuer ce recensement des difficultés mais aussi des choses positives et continuer à interpeller les entreprises concernées et les pouvoirs publics.
C’est notre travail syndical. Nos 2 grands axes ce sont les conditions de sécurité et l’abus du chômage partiel. Quand il y a un cas, on interpelle le ministère et on lui demande de réagir. »

Le plan de soutien :

Il ne faut pas repartir comme avant. Il faut un plan de relance avec de grands principes. Quel modèle on veut pour demain ?
Moi je pense qu’il faut des états généraux du pouvoir de vivre.
Il faut se poser la question des grands principes qui doivent dicter nos politiques publiques.
Le plan de relance devra être économique mais aussi écologique et intégrer de la justice sociale.
Prenons ce temps pour fixer ces principes et confronter nos points de vue au niveau national et local. Il faut une sorte de commissariat général au plan pour savoir comment on va mettre en place ce nouveau modèle de développement.
Parmi les premières mesures, on ne peut pas revenir à une logique purement budgétaire mais il faut redonner du sens.
J’ai peur que l’on reparte comme avant  ou que l’on fonctionne à coup de slogans. Je plaide pour un changement radical dans la démocratie et par le dialogue.
Il faut se fixer de nouvelles règles et de nouveaux indicateurs pour définir ce qu’est le progrès. »

Travailler plus :

C’est clairement le type de vieilles lunes qui reviennent et qui n’ont pas de sens dans cette période.
Moi ce qui me préoccupe ce n’est pas que l’on travaille plus mais que l’on travaille tous. Dans les entreprises, il y aura des accords pour permettre le maintien de l’activité et des emplois mais revenir sur la durée légale du travail, on n’attend pas ça.
On attend de savoir comment on recrée du commun. »

La réforme des retraites :

La CFDT continuera à dire qu’il faut un système universel des retraites parce que c’est une question de justice sociale.
Dans les mois à venir, ce ne sera pas le sujet parce que ça divise et qu’il faudra d’abord définir ensemble le modèle à venir.
Ce n’est pas la peine de remettre de l’huile sur le feu. On ne renonce pas à cette ambition mais ce n’est pas d’actualité et sans doute pas d’ici la fin du quinquennat. »

Pendant toute la période du confinement, retrouvez chaque jour de semaine à midi notre interview politique, en ligne sur publicsenat.fr et notre chaîne YouTube.

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !

Premières leçons de la crise

Laurent berger, secrétaire général de la CFDT

27 mars 2020

La crise sanitaire que nous traversons a deux effets concurrents sur les relations sociales : d’un côté, elle nous lie fortement les uns aux autres ; de l’autre, elle met en exergue nos divisions.

Le premier effet s’est manifesté en particulier au début de la crise. Même s’ils ont eu besoin de quelques jours pour prendre la mesure du péril, les Français ont serré les rangs dans l’épreuve. Beaucoup ont pris conscience du fait qu’il fallait lutter ensemble contre la pandémie, que se protéger revenait à protéger simultanément tous les autres. Autrement dit, que la prudence pour soi-même revêtait en même temps le sens d’un acte civique.

Mais ce premier mouvement a été rapidement rattrapé par la conscience des inégalités que la crise met brutalement en lumière. Inégalités de revenu, bien sûr, mais aussi d’exposition aux risques sociaux, de capacité à vivre décemment dans des circonstances aussi particulières, inégalités de pouvoir de vivre.

Ces inégalités sont aiguisées par le confinement : quand on vit à trois ou quatre dans un appartement de 80 m2, la situation est moins inconfortable que lorsqu’on vit à 5 ou 6 dans un appartement de 35 ou 40m2 dans une promiscuité permanente… Le confinement a également créé de fortes disparités entre les personnes seules et les autres. Ou encore entre ceux qui habitent en zones denses et ceux qui vivent dans des communes isolées ou loin des lieux où l’on peut se procurer de l’alimentation. Il a enfin mis en exergue la situation de ceux qui n’ont tout simplement pas de logement, qui vivent en foyer ou dans la rue et qui, ne peuvent compter que sur la formidable solidarité des associations leur venant en aide dans des conditions très difficiles ces dernières semaines.

Plus largement – et c’est peut-être un troisième effet dont on mesure encore mal les conséquences sur la durée –, la crise sanitaire a permis de mettre en lumière le rôle vital d’un certain nombre de professions qui sont habituellement peu considérées, voire reléguées dans des rôles subalternes ou tout simplement ignorées. Beaucoup se sont ainsi aperçus que l’on a un besoin vital d’aides-soignants, d’ouvriers agricoles, de chauffeurs routiers, de préparateurs de commandes dans les entrepôts, de caissières dans les supermarchés, d’agents qui collectent les déchets ou qui produisent de l’eau potable, de travailleurs sociaux qui accueillent les enfants de l’ASE, de personnels dans les EHPAD…

Tout à coup, l’employée de la supérette en bas de l’immeuble parisien, qui reste ouvert tous les soirs jusqu’à 22h pour mille euros par mois et que trop de clients pressés prennent à peine le temps de saluer, est apparu comme une travailleuse indispensable au bon fonctionnement de la société. Tout à coup, la femme de ménage qui nettoie les chambres de l’hôpital voisin et à qui on adresse rarement la parole, est apparue comme un rouage essentiel de la lutte contre la crise. Et tout à coup, on a réalisé que tous ces gens pouvaient, eux aussi, connaître des problèmes de sécurité et être taraudés par le risque de contagion. Qu’eux aussi devaient faire garder leurs enfants, faire leurs courses, se soigner, s’occuper de leurs proches, etc.

Ces professionnels n’occupent pas le haut de la pyramide des salaires. Mais, depuis quelques jours, quand on se demande de quoi on a besoin dans les semaines qui viennent, on arrive vite à la conclusion que, sans eux, notre vie serait tout simplement impossible. Bref, la crise leur a donné l’existence sociale qu’on leur refuse si souvent.

Cette crise sera peut-être un facteur de reconnaissance pour tous ces publics. J’ai en tête la phrase de Beveridge, le fondateur de la protection sociale britannique, au sortir de la Seconde Guerre mondiale : « La guerre a donné de l’importance aux gens ordinaires ». Si la crise sanitaire actuelle peut être comparée à une guerre, j’espère qu’elle aura le même effet sur la reconnaissance accordée à ces travailleurs ordinaires. Mais la reconnaissance n’est pas seulement affaire de considération ou d’estime : elle s’écrit aussi dans l’échelle des rémunérations, dans les conditions de travail, dans les capacités de concilier des temps de la vie… Si l’on veut qu’il en reste quelque chose et que le « jour d’après » ne ressemble pas au « jour d’avant », il faudra reconstruire différemment.

L’après doit donc être travaillé à partir des enseignements que nous pouvons d’ores et déjà tirer de cette crise. Tout n’est pas dit, loin s’en faut. Mais de premières leçons se dessinent.

Une de ces leçons, c’est qu’il faut faire le choix de la vie humaine avant tout. Les coûts économiques ne sont pas quantité négligeable, mais l’objectif majeur d’une société, c’est de protéger sa population.

Une autre leçon, c’est que l’on ne peut pas traverser de telles crises sans une forte solidarité et la mobilisation d’importantes ressources humaines et collectives pour se protéger mutuellement. Cette solidarité est bien sûr portée par nos grandes assurances sociales, par notre système de santé, nos services publics essentiels. Mais elle l’est aussi par le bénévolat et la fraternité locale, les réseaux d’entraide de proximité au quotidien : le jeune couple qui fait les courses pour les voisins âgés, les bénévoles qui se mettent au service de la mairie pour prendre des nouvelles régulièrement des personnes isolées, etc. Paradoxalement, alors que le confinement et la distanciation sociale nous commandent de nous séparer les uns des autres, beaucoup recréent du lien social, manifestent leur sollicitude à l’égard des plus faibles. La crise nous aura à la fois éloignés physiquement et rapprochés socialement.

La troisième leçon découle directement de la première : elle consiste à considérer la santé comme un secteur vital et prioritaire. La crise actuelle le montre, avoir soumis l’hôpital public à une logique d’abord budgétaire avec le souci constant d’optimiser l’occupation des lits était une erreur. La gestion en flux tendu ne laisse aucune marge de manœuvre pour faire face à l’imprévu. De même pour les médicaments, les équipements de protection. Certes, on ne peut pas régler la gestion des temps ordinaires sur les périodes d’exception, mais l’expérience commandera de raisonner différemment dans les temps futurs. Nous devrons notamment nous demander si les biens de santé (médicaments, équipements de soins, matériels de protection, etc.) doivent être abandonnés à une division internationale du travail régie par la seule théorie des avantages comparatifs au risque d’entraîner de douloureuses ruptures des chaînes d’approvisionnement. Pour relever les défis stratégiques du XXIe siècle, nous aurons au moins autant besoin de savoir protéger les populations des crises sanitaires et des catastrophes climatiques que de construire de nouveaux porte-avions. Les biens médicaux et pharmaceutiques devront sans doute être considérés comme des biens stratégiques, et ce au niveau européen.

A ce niveau, un effort de relocalisation des industries concernées sera certainement souhaitable. Inversement, une approche souveraine et étroitement nationale du secteur de la santé aurait peu de chance d’être réellement performante : on ne sortira pas plus fort de cette crise chacun de son côté. Si nous sommes capables de construire une forte coopération européenne en la matière, nous y gagnerons tous. Malheureusement, on peut craindre que, dès la fin de la crise, la compétition reprenne ses droits entre Européens ; elle n’a d’ailleurs pas vraiment cessé. Il faut reconnaître à sa décharge que l’UE n’a pas de compétence légale en matière de santé. Mais elle pourrait au moins commencer par développer des initiatives industrielles dans le domaine des médicaments, des matériels de protection…

Enfin, il faut souhaiter que l’écologie ne fasse pas les frais de la crise sanitaire. D’une part, parce qu’à certains égards la crise sanitaire en cours a aussi des origines écologiques. D’autre part, parce que l’enjeu de la transition écologique est au fond très proche de l’impératif sanitaire : dans les deux cas, il s’agit de sauver des vies humaines ! Si on tenait un décompte quotidien des morts résultant directement ou indirectement du dérèglement climatique ou du déclin de la biodiversité, on estimerait sans doute qu’on est dans une crise sanitaire permanente et depuis longtemps ! Là encore, la voie de sortie nous oblige à nous réinterroger sur notre modèle de développement.

En savoir plus Adhérer

Suivez notre actualité

Je m'inscris à la lettre d'information

Erreur : Formulaire de contact non trouvé !