15 mai 2020 603 Vue(s)

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Confédération, fédérations et URI, Ferpa. Le Conseil national confédéral s’est déroulé en visioconférence le 14 mai.

Y participaient : Nicole Chauveau, Dominique Fabre (membre du BN), Marie-Solange Petit, Benoit Prince, Yves Vérollet.

Vous lirez ci-après l’intervention de l’UCR

Intervention de l’UCR CFDT au conseil national confédéral le 14 mai 2020 par Dominique Fabre, secrétaire générale

C’est notre premier CNC confiné. Cette situation est révélatrice, si besoin était, des fractures multiples qui existent au sein de notre société.

Les personnes très âgées à domicile ou en Ehpad ont été cruellement touchées. Le virus a touché tout le monde mais en proportion, il a été fatal avant tout aux plus âgés. 92% des décès ont concerné des personnes de 65 ans et plus ; 75% des décès ont touché des personnes de plus de 75 ans. Et ce, en raison d’un taux de létalité bien plus élevé chez les 80 ans et plus (entre 8% et 13% selon les études) alors qu’il est de moins de 1% chez les personnes âgées de moins de 60 ans.

Ce virus a également mis en exergue de nombreuses inégalités sociales

En effet, si certains ont pu rejoindre leurs résidences secondaires ou en profiter pour se retrouver en famille, d’autres sont restés confinés dans les logements exigus : selon une étude de 2016, plus de 5 millions de personnes vivent dans un logement sur-occupé, c’est-à-dire qu’elles résident à deux ou plus dans un logement où le nombre de pièces est insuffisant au regard de la taille du foyer.

Alors que certains souffrent d’une grande promiscuité au sein de leur logement, d’autres Français sont touchés par l’isolement. C’est le cas de 10,5 millions de personnes dont près d’un quart est âgé de 75 ans et plus. Cette situation n’est pas sans conséquence sur le moral mais aussi sur la santé. Les personnes âgées vivant seules représentent une part importante de la population dans les territoires ruraux. Par ailleurs, 13,3 % des personnes de 75 ans ou plus et vivant seules, résident dans une commune dépourvue de tout commerce alimentaire généraliste.

Cette période de confinement que nous avons vécue montre que les outils numériques peuvent permettre de conserver un lien social, on l’a vu notamment dans des Ehpad pour maintenir les liens familiaux. Mais il ne faut pas oublier les 12 % des Français qui n’ont pas accès à Internet à leur domicile. Cette fracture numérique est plus marquée pour les personnes plus âgées : 53 % des 75 ans ou plus n’ont pas Internet.

Cette fracture numérique a été vite perçue par certaines de nos UTR qui nous ont alertés. Par exemple, le formulaire papier de déclaration des revenus 2019 envoyé aux retraités n’ayant pas accès internet ne permet pas de bénéficier du crédit d’impôt lié à la cotisation syndicale. Il faut imprimer un autre formulaire… C’est ubuesque.

Maintenant l’heure est au déconfinement

Cette préparation ne doit en aucun cas être escamotée. Il faut lui donner le temps nécessaire.

Nous ne devons pas subir mais reprendre collectivement le contrôle de la situation, la maîtrise de notre vie sociale et citoyenne.

Il faut contrebalancer la méfiance de la population envers les discours politiques et administratifs, en tenant un discours clair, sans dissimuler les réalités de la situation, sans masquer ni les manques, ni les pénuries, ni les incertitudes pour mobiliser de façon éclairée les différents acteurs et la population.

Il faut notamment préparer à l’incertitude, à l’anticipation d’une possible deuxième vague et donner les moyens pour cela. Les difficultés de mise en œuvre du déconfinement s’avèrent en effet exceptionnelles. Elles soulèvent des questions qui intègrent la dimension scientifique mais la débordent largement. Sortir du confinement exige de trouver des équilibres entre de multiples contraintes et de multiples exigences, par exemple entre liberté individuelle et protection collective, entre impératif de santé et nécessité économique. Pour être acceptables et acceptés par la population, ces équilibres doivent se construire nationalement, mais aussi régionalement et au plus près de territoires, dans le cadre de débats démocratiques.

Les personnels du maintien à domicile et du médico-social ont été oubliés dans les premières semaines de l’arrivée de cette épidémie. Les critiques ont fusé en direction des Ehpad, c’est faire peu de cas de l’engagement des personnels. Un bilan devra être fait et les leçons devront en être tirées au moment opportun. Il a fallu cette pandémie pour reconnaitre le rôle des personnels en Ehpad et leur accorder de la considération. Leur octroyer une prime c’est bien, valoriser leurs métiers c’est mieux. Espérons au demeurant que pour les aides à domicile, Etat et département s’entendent pour qu’elle leur soit versée.

L’après Covid-19

Aujourd’hui, le discours ambiant porte sur les conséquences économiques de cette crise sanitaire et sociale.

Le Gouvernement parle de relance économique mais très peu des inégalités territoriales ou de revenus. Notre valeur de solidarité est plus que jamais pertinente et toutes les couches sociales devront y participer.

Beaucoup voient déjà le monde d’après comme celui d’avant, c’est plus facile ! L’Europe a un grand rôle à jouer. Elle a commencé à le jouer via l’action de la BCE qui va éviter l’effondrement inévitable d’une bonne partie des pays de l’UE. Le Green Deal européen et le rôle de la CES demeurent un espoir pour beaucoup.

Une autre réflexion doit être menée : celle de l’éthique au sens plein du terme.

L’éthique, ce n’est pas la morale. C’est réfléchir sur les comportements à adopter pour rendre le monde humainement habitable.

L’éthique, c’est comment adapter notre économie face au risque climatique.

L’éthique, c’est comment adapter l’organisation du travail pour que tous les travailleurs aient un emploi.

L’éthique, c’est adapter le partage des richesses pour lutter contre la pauvreté et le mal logement. L’éthique, c’est adapter nos modes de production industrielle ou alimentaire au besoin de tous en respectant notre environnement.

L’éthique, c’est aussi réfléchir à rendre le monde plus habitable pour les vieux et à un meilleur accompagnement de la fin de vie.

Cette proposition de l’UCR pour une réflexion éthique en faveur des questions liées au Grand âge a été plébiscitée par plus de 98 % des votants lors de la consultation publique organisée par le Collectif « des États Généraux de la Séniorisation ».

Dans la période, les personnes âgées ont payé et paient encore un très lourd tribut face au Covid-19. Dans le même temps, des dirigeants politiques de tous bords se positionnent clairement sur le « dossier » du grand âge. Construire un rapport de force, un lobbying au bon sens du terme, est donc nécessaire pour que les avancées amorcées avec la loi d’adaptation de la société au vieillissement puissent se poursuivre par un nouveau texte. C’est la raison pour laquelle l’UCR a rejoint le collectif « Etats généraux de la séniorisation » lancé par Serge Guérin.

C’est une opportunité car la situation économique à venir ne favorisera pas l’émergence de nombreuses réformes. Cependant, dans ce contexte, s’il en est une qui pourrait voir le jour, c’est la loi Grand âge.

Pour l’UCR, notre revendication phare persiste, et elle a pris toute son ampleur au cœur de cette pandémie : Avoir enfin une vraie loi pour l’accompagnement du Grand âge. Une autre revendication s’impose : avoir un interlocuteur politique concrétisé au minimum par un secrétariat d’Etat dédié aux retraités et personnes âgées.

Nous en avons assez de voir tous ces lieux, ces réunions, ces colloques où on parle des personnes âgées mais où aucune personne âgée, aucune association de personnes âgées ou aucun représentant de syndicat de retraités ne sont présents. On parle des vieux comme une entité. Il y a autant de différence chez les personnes âgées que dans le reste de la société. Cette non-représentation est infantilisante. Elle est vécue comme une forme de discrimination pour de nombreuses personnes âgées.

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